La néphrologie, une spécialité au service des reins
La néphrologie est une spécialité médicale qui traite du fonctionnement des reins, ainsi que de la prévention, du diagnostic et des traitements des maladies qui y sont liés.
Ces deux petits organes ont un rôle vital pour l’être humain. Si leur fonction essentielle est de filtrer et nettoyer le sang en permettant ensuite aux déchets de s’évacuer via les urines, il arrive parfois que les reins ne fonctionnent plus correctement et entraîne une insuffisance rénale qui nécessite un suivi médical.
A l’hôpital de Moutier, c’est à ce moment-là qu’intervient l’équipe médicale spécialisée dans ce domaine, et où travaille la Dre Nadine Ngatchou, spécialiste FMH en néphrologie et médecine interne. Rencontre avec cette médecin nouvellement arrivée au Réseau de l’Arc et passionnée par son travail.
- Dre Ngatchou, quel est votre parcours ? Pourquoi avoir choisi de faire de la médecine interne et de la néphrologie vos spécialités ?
J’ai effectué mes études de médecine au Cameroun à Yaoundé et au cours de mon stage en 5ème année dans un hôpital universitaire, j’ai pu toucher de près ces spécialités en travaillant avec une interniste et néphrologue hautement qualifiée. La méconnaissance de la néphrologie dans la population générale m’a particulièrement interpelée, surtout quand de nombreux patients arrivaient à l’hôpital souffrant d’une insuffisance rénale aigue sévère, qui aurait pu être évitée. Certains présentant une maladie rénale chronique terminale, n’avaient pas eu connaissance d’une telle affection par le passé et donc des mesures de prévention ou de ralentissement de la progression n’avaient pu être appliquées.
Le rôle central des reins dans l’organisme au-delà de la fonction d’épuration, tel que celui de la régulation de la pression artérielle, a suscité en moi un vif intérêt. Au terme de mes études de médecine, je suis arrivée en Suisse où j’ai effectué ma formation post grade d’abord en médecine interne successivement à l’hôpital du Valais, au CHUV et à l’eHnv ; puis après obtention du FMH en médecine interne, j’ai effectué une formation post graduée en néphrologie au CHUV et l’ai achevée à l’hôpital Fribourgeois, où j’ai travaillé comme cheffe de clinique en néphrologie avant mon arrivée à Moutier. Je nourris un intérêt tout particulier pour l’hypertension artérielle et entends développer une consultation dans ce sens à l’hôpital de Moutier.
- Quel est le rôle du médecin néphrologue ?
Il a pour rôle de prévenir les maladies rénales, de les dépister et de les prendre en charge. Pour ce faire, nous travaillons en partenariat avec les médecins de famille. L’hypertension artérielle et le diabète étant les principaux pourvoyeurs de maladie rénale chronique, une prise en charge efficace de ces affections, contribuera à la prévenir et la dépister aux stades précoces pour un meilleur pronostic.
Une fois une maladie rénale présente, l’un des buts primordiaux est d’en ralentir la progression par divers moyens. Aux stades avancés, il s’agira aussi de rechercher et de prendre en charge les complications de la maladie rénale chronique, tout en préparant les patients aux thérapies de suppléance rénales que sont la transplantation et la dialyse (hémodialyse et dialyse péritonéale). Il faut noter que la maladie rénale chronique est un facteur de risque cardiovasculaire et que la prise en charge du néphrologue vise donc aussi à réduire la mortalité, (notamment cardiovasculaire) des patients. L’hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire bien connu et il n’est pas rare de rencontrer une hypertension artérielle résistante chez les patients avec insuffisance rénale.
- Pourquoi insister sur la prise en charge de l’hypertension artérielle ?
Environ 30% de personnes âgées d’au moins 18 ans sont atteints d’une hypertension artérielle en Suisse. Bon nombre de cas ne sont pas diagnostiqués. Parmi ceux qui sont traités, on estime que moins de 50% sont contrôlés. C’est l’une des principales causes de mortalité dans le monde avec plus de 8 millions de décès annuels liés à l’hypertension artérielle et/ou à ses complications, selon l’OMS. Les patients avec hypertension artérielle résistante ont un pronostic encore plus sombre. Dans cette population, la recherche d’une cause d’hypertension artérielle secondaire ou d’un facteur de résistance est essentielle.
Le but de cette consultation est de contribuer au dépistage des hypertensions secondaires en collaboration avec les centres de références, à l’obtention d’un meilleur contrôle tensionnel pour les patients chez qui cela est difficilement atteint, à rechercher et prendre en charge des complications de celle-ci, tout cela en collaboration avec les médecins traitants. Il sera aussi question de suivre les patientes ayant présenté une hypertension artérielle (ou ses complications) sur grossesse.
- La néphrologie est une spécialité à la croisée de nombreuses autres et très variée ?
En effet, aux vues des nombreuses fonctions des reins dans l’organisme, la néphrologie touche également à d’autres spécialités dont la cardiologie (hypertension artérielle, syndrome cardio-rénal), l’immunologie (de nombreuses affections auto-inflammatoires ou auto-immunes telles que le lupus érythémateux disséminé, les vasculites, pour ne citer que celles-ci, induisent des atteintes systémiques et donc bien souvent rénales). Nous travaillons donc en étroite collaboration avec d’autres spécialistes. On peut aussi citer les infectiologues, dermatologues etc...
- Quel sont les signes d’un dysfonctionnement des reins ?
Les maladies rénales sont le plus souvent silencieuses, donc asymptomatiques. Des douleurs sont ressenties dans le cas de colique néphrétique (présence d’un calcul du obstrue les voies urinaires), ou lors d’une infection. Malheureusement, on ne ressent rien dans les stades précoces de la maladie rénale chronique, ce qui fait que bon nombre de patients sont diagnostiqués à des stades avancés. A ce degré d’évolution, le patient peut alors ressentir de la fatigue, un essoufflement à l’effort, des nausées, vomissement, perte d’appétit, survenue d’œdèmes aux membres inférieurs. D’autres symptômes plus spécifiques peuvent dépendre de la maladie causale. Il est donc important de dépister la maladie rénale sans attendre des symptômes notamment chez les patients les plus à risque.
- Et donc à partir de quel moment faut-il consulter ?
La société suisse de néphrologie recommande un dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients qui ont un diabète sucré, une hypertension artérielle, une maladie cardiovasculaire, une obésité, âge avancé, un antécédent d’insuffisance rénale aigue, une histoire familiale de maladie rénale, une maladie systémique prédisposant à l’insuffisance rénale chronique (Ex : VIH, Lupus érythémateux systémique…) ou encore un traitement avec des médicaments néphrotoxiques. Chez ces derniers, un dépistage annuel est conseillé et peut être effectués par le médecin traitant. En dehors de cela, toute personne qui désire effectuer un dépistage peut également le faire.
Par ailleurs, un antécédent de calculs urinaires à répétition, la présence de sang dans les urines, la survenue d’œdèmes aux membres inférieurs ou au visage, un essoufflement à l’effort et autres symptômes mentionnés ci-dessus, devraient conduire à un examen de dépistage.
- Et quand les reins ne fonctionnent plus seuls, quelles solutions existent ?
Comme thérapie de suppléance ou de substitution rénale, nous avons la transplantation rénale qui peut être faite à partir d’un donneur vivant ou d’un donneur décédé, ainsi que la dialyse péritonéale et l’hémodialyse. L’hémodialyse consiste en l’épuration de l’organisme à travers un filtre (rein artificiel) avec l’aide d’un générateur et s’effectuent le plus souvent en milieu hospitalier. Dans l'Arc jurassien, ce traitement est proposé à l’hôpital de Moutier et à Saint-Imier. La dialyse péritonéale, qui est un procédé d’épuration qui se fait au moyen du péritoine (membrane recouvrant les viscères abdominaux), est réalisée par le patient à domicile. Cette thérapie peut également être proposée dans notre région depuis peu.
- Ce sont souvent des suivis à très long terme. Quelle relation entretenez-vous avec vos patients ?
En effet, au fil du temps un lien se créé. Il s’agit d’une relation de confiance. Je mets l’accent sur l’éducation du patient afin qu’il devienne acteur et partenaire dans sa prise en charge. Les patients apprennent ainsi à comprendre leur maladie. Très souvent une automesure de la pression artérielle est effectuée, ainsi qu’un suivi du poids lorsqu’il est indiqué. Les traitements sont revus et expliqués. Je travaille aussi en collaboration avec les médecins traitants et ils peuvent toujours faire appel à nous pour les orienter la prise en charge des patients.